Petit retour en arrière:
Historique et émergence du Yoga du Sensible et de la Somato-psychopédagogie
Le Yoga du Sensible est appelé « gymnastique sensorielle » dans la Pédagogie Perceptive issue des travaux du Professeur Danis Bois (1). Ce dernier, initialement kinésithérapeute puis ostéopathe est aujourd’hui reconnu internationalement pour ces travaux de recherche scientifique ayant donné naissance à la Fasciathérapie puis à la Somato-psychopédagogie devenue Psychopédagogie Perceptive avant de s’appeler aujourd’hui Pédagogie Perceptive.
Difficile de s’y retrouver dans tout ce jargon, mais cela dénote d’une pratique vivante, en perpétuel mouvement dont la base est justement le mouvement de la vie dans sa dimension intérieure et individuelle autant qu’universelle. En effet, toutes ces pratiques sont basées sur l’enrichissement du domaine perceptif dont l’appropriation de la perception de ce qui est appelé mouvement interne (lex.), expression d’une force de vie et de résilience mettant en lien matière et énergie, corps physique et psyché (émotions, pensées), monde matériel et spirituel.
Les recherches scientifiques autour de la Pédagogie Perceptive démontrent ainsi comment cet enrichissement des perceptions en lien avec le mouvement interne amène non seulement un mieux-être physique et psychique mais également plus de conscience et même une conscience renouvelée de soi mais également du monde qui nous entoure.
Cette pédagogie a ensuite été investie par de nombreux domaines d’application dans la santé, le soin, les arts, l’expressivité (telle que la Danse du Sensible), donnant lieu à un début de foisonnement de ce que j’appelle les pratiques du Sensible.
A l’origine, D. Bois découvre ce mouvement interne animant les fascias, puis également toute cellule, tissu (os, muscles…) ou matière interne au corps physique. Ce mouvement se révèle également non différent de ce qui anime l’extérieur du corps physique. Le mouvement interne est une sorte de ciment de vie reliant toute chose, comme la matérialisation du principe d’interdépendance ou encore du « Prana » ou « Chi » (ou « Qi »). De nombreuses corrélations pourraient être faites avec les corps subtils décrits en Yoga (chakras, nadis…) mais là n’est pas mon propos.
La pratique est orientée au départ par le toucher qui ramène l’équilibre et la vie dans le corps.
D. Bois prend alors conscience que cette approche peut-être prolongée par des mouvements du corps dans la lenteur afin de favoriser l’équilibre quotidien de la personne, mais également sa propre évolution (bien que l’auto-traitement par le toucher soit aussi possible). La pratique du mouvement extérieur dans une lenteur relâchée, en lien avec la sensation de ce mouvement interne se déploie alors entraînant de nouvelles découvertes. Si cette pratique apporte de nombreux bienfaits, D. Bois s’aperçoit que le corps tend parfois à rester dans ses propres schémas intérieurs, répétant toujours les mêmes mouvements, empêchant l’accès à l’évolutivité inhérente au mouvement interne, et par là-même, l’accès à la nouveauté psychique et au changement. Ceci explique la création de nombreux « mouvements codifiés », enchaînements de mouvements (comme en Qi Gong ou Taï Chi Chuan) permettant au corps-esprit d’aller ainsi explorer de nouvelles orientations et facilitant ainsi la transformation de soi : la « gymnastique sensorielle » est née.
La méditation est ainsi devenue une sorte de ciment de la Pédagogie Perceptive, au même titre que le « toucher relationnel » et la « gymnastique sensorielle » incluant le travail sur les fascias, et la conscientisation par la parole (« l’entretien à médiation perceptive ») ou « l’écriture expérientielle ».
Voilà comment la Pédagogie Perceptive constitue aujourd’hui une méthodologie complète basée sur des références scientifiques solides issues de l’expérience pratique et spirituelle du Professeur Danis Bois. Je suis particulièrement admirative de ce travail ayant permis le rapprochement du milieu spirituel avec celui des sciences appliquées, comme le rapprochement déjà opéré par Swami Prajnanpad et Arnaud Desjardins grâce à leur faculté à traduire des enseignements spirituels issus du fond des âges dans un langage rationnel, logique et apte à la compréhension des occidentaux.
Mon expérience du Yoga du Sensible :
Ayant d’abord été formée au Yoga puis à la Pédagogie Perceptive dans le cadre de ma formation en Danse du Sensible, il me paraît naturel de donner à la « gymnastique sensorielle » une autre appellation plus en cohérence avec mon parcours et mon expérience : « le Yoga du Sensible ». En effet, je vérifie petit à petit à travers ma formation théorique et ma pratique de différentes approches du Yoga que cette gymnastique sensorielle, au-delà d’un équilibre physico-psychique, facilite l’entrée en méditation et mène bien à l’état d’union ou de Présence recherché en Yoga. Ce que je vis est la conscientisation de ma matière physique, le rapprochement, l’équilibre et l’éclairage entre ce qui semble de l’ordre de la matérialité du corps, ce qui apparaît comme immatériel (dénommé en général « énergie ») et la psyché à travers les pensées et émotions. L’évidence des liens subtils corps-esprit se dévoile ainsi peu à peu. Par ailleurs, la pratique amène aussi la notion de lâcher-prise ou d’abandon car il s’agit d’apprendre à se laisser porter et apprendre de ce mouvement de vie qui nous transforme lorsque nous apprenons à rentrer en relation avec celui-ci. L’évolution de cette relation dévoile les qualités de chaleur, de lumière et d’amour ou de bienveillance, d’incarnation dans la « matière » portées par le mouvement interne (lex.). Telle Kundalini, cette énergie nous « travaille » et purifie de l’intérieur de façon tout à fait autonome, mais nous avons également un pouvoir de conscience avec ce mouvement intérieur (lex.).
A l’adolescence, dans mes premières années de conscience d’animation par ce mouvement, je vis essentiellement ce mouvement comme une énergie libératrice, dénouant des tensions pendant mes assises de méditation. Dans mon quotidien, quelque chose au fond de moi est en lutte perpétuelle contre ce mouvement, bloquant son animation naturelle propre et induisant des souffrances. Et puis, à travers la Danse des 5 Rythmes® et d’autres cadres privilégiés, je découvre que je n’ai qu’à me laisser porter par ce mouvement intérieur, ayant la sensation « d’être dansée ». Cette expérience amène des états méditatifs bienheureux et agréables, un détachement total des pensées et émotions se déployant comme sur un écran de cinéma.
Par la suite, ma pratique de Kundalini Yoga ne semble qu’une autre voie d’accès aux états et qualités de présence induits par le mouvement interne. Puis, dans ma pratique du Hatha Yoga, les réajustements corporels s’induisent d’autant plus vite que je reste en conscience de cette animation interne. Je découvre combien la lenteur relâchée des pratiques du Sensible, se substitue aux effets de postures d’étirement ou de tonification musculaire plus vigoureuses physiquement et au Pranayama. Dans cette détente, j’arrive plus rapidement aux mêmes effets de tonus, d’ajustement interne et de pacification du corps et du mental, ceci dans une approche extrêmement douce qui libère naturellement la respiration. Le corps physique (tendons, muscles, fascias, ligaments, os, sang, lymphe, système nerveux…), les corps énergétiques (nadis, chakras…) et le Prâna se stabilisent, s’harmonisent, s’étirent et se malléabilisent plus efficacement et en profondeur avec le Sensible. Je vis l’accès au mouvement interne comme un facilitateur de présence et de changement intérieur. Point besoin de postures compliquées voire très exigeantes physiquement pour cela. Le Yoga du Sensible me permet également de mieux accueillir l’énergie de Kundalini.
Si la Pédagogie Perceptive met souvent l’accent sur l’accès à la perception du mouvement interne, il n’est cependant pas toujours nécessaire de vivre cette animation interne comme un « mouvement ». Pour chaque personne, les perceptions sont différentes, donnant accès à d’innombrables modalités ou qualités d’états psychiques et physiques internes. Par ailleurs, le mouvement est aussi important que le non mouvement : la pratique du mouvement gestuel révèle un état de stabilité et de présence concomitant à la perception du mouvement interne. Cela est bien sûr évident dans la pratique de Méditation Pleine Présence où nous observons nos états internes sans bouger. Il a été important pour moi de faire des rapprochements avec d’autres philosophies, par exemple celle du Yoga de la Claire Lumière (Vajrayana, tantra bouddhique) qui parle de co-émergence pour préciser que la vacuité (non mouvement) n’existe pas sans les apparences (mouvement) et les apparences n’existent pas sans la vacuité.
En résumé :
Vous trouverez dans le Yoga du Sensible (ou bien la méditation et la Danse du Sensible), une pratique complète et douce s’adaptant aux particularités physiques de chacun et s’immisçant facilement dans le quotidien. Ce Yoga est pour moi d’abord synonyme de douceur, de bienveillance et de joie. La particularité de ce Yoga est de développer une relation au mouvement interne (lex.) qui réactive en soi une force de vie et de résilience. Ce mouvement intérieur (lex.) agit comme un accélérateur de conscience, développe progressivement la possibilité d’un abandon et d’un lâcher-prise aussi bien physique que psychique, un espace ouvert à l’amour.
Notes:
1- https://www.cerap.org/fr/chercheur/danis-bois / https://danis-bois.fr/?page_id=1356